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A  V  A  L  O  N

ARRIVAL :

 

Arrivé au statioport, une ressenti dérangeant l’envahit, comme si l’atmosphère de cette ville était pourrie. Il pouvait apercevoir au loin les tours d’Avalon, immaculée et perçant les cieux tels des épées de Damoclès. Le statioport était étrangement vide ce soir-là, comme si tout le monde se terrait, et le sentiment qui l’avait submergé à l’arrivé ne fit que s’accentuer.

Il sortit de son vaisseau, et se dirigea au comptoir afin de payer sa place. Une seule personne l’accueillie, et cette dernière lui expliqua l’absence d’autant de personnes. Apparemment, de régulières purges avaient pour but de vider la ville des malfrats, des voleurs et des criminels en tout genre. Or, depuis que certains commerçants et mineurs avaient disparus pendant cette fameuse purge, on commençait à blâmer le gouvernement, qui semblait s’en prendre au peuple pour aucune raison apparente. Il eut froid dans le dos. Il savait que sa mission concernait le gouvernement, mais pas dans le sens auquel il venait de faire face.

Mais il était enfin arrivé. Sa mission commençait enfin.

 

CONSPIRATION :

 

Adossé à son véhicule et observant les hauts balcons de la ville, il attendait patiemment son heure. Le gouverneur de la République ne devrait pas tarder à faire son apparition dans les appartements du maire d’Avalon. Et c’est ce qu’il attendait.

2 heures plus tard, l’ascenseur des appartements du maire s’ouvrait doucement. Il mit en place ses jumelles, et sortit son appareil photo. Il parvenait difficilement à voir le gouverneur, cependant leurs mains et le visage du maire lui apparaissait clairement. Brusquement, la main du gouverneur se retira, pour se représenter portant un sac noir fermé à cadenas. Le maire se figea, puis vérifia autour de lui, comme s’il craignait qu’on l’observât, et s’empara méthodiquement de la mallette. Il prit rapidement des clichés des deux hommes, de la mallette, et de leur poignée de main finale. L’ascenseur se ferma.

Quelques heures plus tard, toujours adossé contre sa voiture, il prit une tonne de clichés du maire ouvrant la fameuse mallette. Celle-ci contenait, sans grande surprise, une plaque entière du minerai le plus cher du marché. Le maire se faisait payer son silence en pot-de-vin, et il devenait évident que le gouvernement d’Avalon tramait quelque chose. Il rangea hâtivement ses affaires, afin de partir au plus vite faire son rapport. Si Avalon, la plus grosse ville minière du secteur était corrompue jusqu’à la moelle, il était presque sûr que le reste du secteur l’était aussi.

 

 

GREAT CHASE :

 

A peine avait-il démarré son moteur que des phares de police illuminait le coin de la tour. Il avait été repéré, mais tenta le tout pour le tout. Il s’engagea comme si de rien n’était sur la nationale 7, qui longeait la tour principale d’Avalon et sortait en direction du statioport. Malheureusement, la police semblait bien en avoir après lui, et les chances de s’échapper furtivement réduisait à l’approche du statioport. Les phares clignotants de la voiture de patrouille illuminaient son cockpit, et ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils lui ordonnent de se ranger sur un balcon parking. Cependant, et à sa grande surprise, ils ne firent rien. Ils se contentaient de le suivre sans activer leur sirène, et cela ne le rassurait pas plus. Il sentait que sa fin ne se ferait pas en prison mais plutôt dans un tragique accident.

Il respira lourdement, et fit piquer sa voiture vers le bas de la ville. Les policiers le suivirent instantanément, dans leur effroyable mutisme. Ils commencèrent doucement à se rapprocher, puis, sans ménagement, percutèrent l’arrière de son véhicule. Il manqua de peu de se faire envoyer dans le décor, mais parvint à se redresser difficilement.

La course poursuite s’éternisa pendant quelques minutes, puis dans un dernier accrochage les policiers le guidèrent à la sortie de la ville, en ayant pris la peine d’amocher les réacteurs de sa voiture.

Il était donc maintenant en vol droit au-dessus d’une toundra désertique et morte.

 

 

OUTPOST :

 

Son véhicule ne l’avait pas emmené bien loin, on pouvait encore apercevoir les pointes des immeubles au loin, même si la majeur partie de la ville lui était cachée sous terre. Il était seul, ses ressources se trouvaient dans son vaisseau, et le carburant de sa voiture fuyait à grands flots du réacteur détruit auparavant. Le désespoir le gagnait lentement, et l’environnement n’y aidait pas. La surface de la planète, excepté les villes, était vide de tout. Aucun arbre feuillu, aucun animal de quelque sorte. La faune et la flore avaient désertées cette planète depuis l’arrivé des colons miniers. Le monde qui l’entourait semblait dénué de tout sens, comme si la planète elle-même avait arrêtée de vivre. Le règne de l’homme en était à son apogée. Il se décida à marcher, non en direction d’Avalon, mais plutôt vers son opposée. Maintenant que sa survie semblait impossible, il lui devenait pressant de chercher où était partie la vitalité de cette planète.

Une heure semblable à quatre passât, et la soif commençait à se faire ressentir. Pourtant, comme un mirage se dressait une tour noire d’encre, dont les feux clignotaient difficilement dans la pénombre du coucher. Les mirages émettaient-ils des bruits métalliques récurrents ? Cela semblait irréel, comme dans un rêve, que se dresse cette majestueuse tour d’obsidienne, symbole d’une avant-garde humaine. Cet avant-poste, situé à des kilomètres de la ville elle-même, était complétement abandonné.

Il en était au seuil. Ce bâtiment construit sur les vestiges d’une planète, par on ne sait qui, se tenait droit et fier. Il fallait qu’il rentre. Autant pour sa survie que sa curiosité, cette tour provoquait en lui une foule de sentiments exacerbés.

 

 

AVALON :

 

A peine rentré dans cette tour, l’atmosphère se fit dense et tropicale. Il se mit à transpirer à grosses gouttes dans sa tenue en fourrure. Devant lui s’étendait un long hall, sombre et menaçant, menant à un ascenseur qui semblait plonger vers les tréfonds de la planète. Il n’avait bien sur pas le choix, cet ascenseur mystérieux était sa seule route.

En dehors des grincements menaçants, l’ascenseur marchait correctement, et il arriva rapidement à destination. Il releva cependant un détail étrange : tout dans cette tour s’était activé automatiquement, comme mû d’un esprit commun.

Il était arrivé dans une salle sombre, mais au son de ses pas résonnant sur la roche noire, la salle était gigantesque.

Soudainement, un claquement sourd retentit depuis le fond de la salle, et une machine se mit en marche. Le grondement mécanique emplit la salle, et des projecteurs s’allumèrent les uns après les autres, jusqu’à éclairer de son entièreté la salle.

A court de souffle et au point de paniquer, il trébucha durement sur le sol mat. Devant lui se dressait, immobile et pourtant si vivant, un ancien vaisseau des colonies, qui devait mesure dans les milliers de mètres de longueur et dont la hauteur se perdait dans la noirceur du plafond. Sur ses côtés s’inscrivait dignement les lettres suivantes :

                                                                                 «  A  V  A  L  O  N  ».

Il se trouvait maintenant devant la véritable Avalon, celle qui était cachée de tous, celle dont l’existence pourrait troubler tout le système mise en place par le gouvernement sur cette planète. Avalon était le vaisseau-vie de la République, qui s’était volatilisé des centaines d’années auparavant, avec à son bord des centaines de tonnes de bombes à fission nucléaire. Et le gouvernement de cette planète semblait vouloir s’en resservir, au vu des câbles transportant du carburant dans les réservoirs du vaisseau.

Sa tête lui tourna brusquement. Les informations qu’il venait de récupérer mélangées au fait qu’il perdait ses forces sans nourriture ni eau étaient néfastes pour son organisme. Il lui fallait retrouver la surface et prévenir ses supérieurs. Il lui fallait…

E A R T H  412

Waiting for you :

 

Cela faisait maintenant 2 semaines qu’il était parti. Généralement, il ne s’absentait que quelques jours, une semaine tout au plus, et elle l’attendait patiemment dans leur abri. Mais cette fois, c’était 2 semaines d’appréhension qu’elle avait vécu. Il lui semblait qu’il ne reviendrait jamais. Elle chassa ces pensées obscures de son esprit, et s’attela à renforcer la porte de l’abri, qui avait été défoncée 2 jours plus tôt par une sorte d’ours terrifiant. Heureusement pour eux, il ne s’était pas attardé et ils avaient réussi à s’en sortir. Ensemble, ils avaient bravé maints dangers. De l’explosion de la bombe à la recherche d’un abri antiatomique, en passant par la survie primaire. Il ne pouvait pas disparaître aussi simplement. Mais il fallait rester forte, il ne se ferait pas tuer aussi simplement et ne la laisserait jamais seule aussi longtemps. Elle l’attendra.

 

Left behind :

 

Les nuits suivantes furent tourmentées. Son esprit était assailli de visions de mort, des visions où il apparaissait puis se volatilisait dans les ombres. Son réveil en fut plus que désagréable. Elle se sentait mal, une toux fiévreuse s’était déclarée. Il fallait qu’il revienne rapidement, sinon elle y passerait sans doute. Mais était-il encore vivant ? Ses consignes étaient claires : s’il ne revenait pas rapidement, elle devait se cloîtrer dans l’abri et survivre de toutes les manières possibles. Au fond d’elle, elle sentait qu’elle ne pouvait pas le laisser, pas vivre sans lui dans ce monde dévasté et vide. Au bout d’une semaine de plus, elle se résigna. Il était mort, sa vie venait de perdre le seul sens qu’elle avait durement acquis. Elle était seule et ce monde hostile l’avait délaissée.

 

Ruins :

 

Sa fièvre ne s’était pas arrangée, et elle commençait à halluciner. Elle le voyait, entrant dans l’abri, lui tenir la main pour la rassurer. Puis, il s’en allait dehors, en lui faisant signe de le suivre. Un sourire béat aux lèvres, elle ouvrit en grand la porte de l’abri et s’élança à la poursuite de son fantôme. Au bout de quelques minutes, perdues dans un dédale de supermarché, elle entra dans la ville, celle que l’on devait à tout prix éviter, à cause des radiations et des choses qu’elles ont créées. D’imposants gratte-ciels pointaient difficilement vers le ciel, le ventre rongé par les explosions, les entrailles tombant en lambeaux sur le sol. Elle n’avait pas vu passer les minutes précédentes, et si elle avait su, elle n’aurait pas pris aussi facilement la direction des ruines de la ville. Elle se rendit compte que sa fièvre lui faisait faire des choses insensées, qui la mettait en danger. Il fallait qu’elle rentre au plus vite à l’abri, avant que quelqu’un ou quelque chose remarque sa présence.

 

Containment breach :

 

Elle tourna hâtivement le dos au centre-ville, mais à peine eut-elle posé le pied sur le chemin du retour que retentit une sirène puissante et effroyablement familière. Cette sirène avait retenti 4 ans plus tôt, avant l’impact du missile sur la ville. Des frissons la parcoururent, et la réalité la frappa : Soit la sirène avait été déclenché par erreur (un rat aurait pu marcher sur le levier), soit elle avait été activée automatiquement ou volontairement, et cela signifiait que quelque chose de terrible pouvait se préparer.

Elle trébucha de panique, et s’engagea dans le bâtiment le plus proche. Qu’importe l’endroit où elle se trouvait, tant que c’était en intérieur. Il semblait qu’elle était entrée dans un magasin de vêtements, et à en juger la porte menant au bâtiment qui l’accotait, elle se trouvait à l’entrée d’un laboratoire pharmaceutique. Soudain, une voix métallique fit vibrer ses tympans, et annonça : « Brèche de confinement, veuillez rejoindre l’abri le plus proche et ne sortir qu’à l’appel de fin de brèche ». Ce même message fut répété encore 3 fois et des frissons parcoururent tout son corps. Elle n’était pas en sécurité ici, et le craquement sourd qui retentit quelques bâtiments plus loin lui confirma sa pensée.

 

Silent breath :

 

Elle se faufilait rapidement entre les rayons, en essayant de faire le moins de bruits possible, et s’engouffra dans un trou béant menant à une salle sombre. Elle se devait d’être silencieuse et calme, sinon la panique l’envahira et la chose en liberté la trouvera. Elle décida rapidement que se cacher était le plus sûr. Ainsi, à tâtons, elle chercha un meuble sous lequel se faufiler, ou une armoire dans laquelle se cacher. Elle trouva son bonheur quelques mètres d’obscurité plus loin, où se tenait un casier métallique. Malgré les souvenirs d’histoires horrifiques de personnes tuées dans des casiers comme celui-ci, elle chassa les idées sombres et s’y engouffra. Sa respiration commençait à se calmer, et ses pensées à se remettre en place. Il lui fallait réfléchir à un moyen de repartir à l’abri, donc n’importe où sauf en ville. Son calme était revenu, et elle hésita quelques secondes à sortir. Secondes qui lui sauvèrent sans doute la vie. On pouvait entendre de légers bruits dans les environs, qu’elle avait pris pour des rats prenant la fuite au son de l’alerte. Mais ces bruits reprirent de plus belles, et elle put bientôt distinguer des pas sourds, et une respiration, sifflante et qui semblait douloureuse. Son casier lui semblait maintenant bien étroit, et elle failli céder à la panique. Soudainement, la chose hurla d’un son presque humain, mais guttural, comme provenant des entrailles de la terre. Elle entendit des bruits de conserves jetées au sol, de rayons métalliques se fracassant contre les murs, et des pas précipités dans la direction opposée à la sienne. Elle semblait être partie.

 

 

Hide and Seek :

 

Sans plus attendre, elle s’élança à l’aveuglette hors de son casier, espérant se trouver derrière la bête, dans son point mort. La lumière rentrait timidement dans le couloir où elle s’engagea ensuite, et elle put distinctement voir des traces de pattes sur le sol couvert de poussière. Après un rapide repérage sur un plan figurant au mur, elle constata avec effroi que la direction de l’abri était celle que suivait le monstre. Elle n’avait donc pas le choix.

Se résignant à son sort, elle se coula dans le coin du mur, et répéta l’opération à chaque couloirs, afin de vérifier si elle était ou non proche de la chose. Elle avait l’impression de jouer au chat et à la souris, exception faites qu’elle n’était pas le chat dans l’histoire. Au tournant suivant, elle entendait des frottements sourds, comme un humain qui se tournait dans des vêtements de laine. Elle risqua lentement un œil par-delà le virage. Elle sa plaqua rapidement la main sur la bouche, étouffant un cri traître, et sans doute une régurgitation de dégoût. Devant lui se dressait une scène irréelle quoique horrible : La chose se tenait à quatre pattes, et dévorait lentement les entrailles à nue de ce qui semblait être les restes d’un jeune homme en tenue de combat. Les frottements étaient produits par les secousses de satisfaction de la chose, qui faisaient bouger le corps sans vie de l’homme. Elle ne put soutenir la vue de la scène, mais pris malgré tout le temps de détailler le monstre. Apparemment bipède malgré sa position agenouillée, cette chose tenait plus du lézard que du monstre. Si on omettait les arêtes tranchantes ponctuant son dos bien sûr. Sa tête lui était cachée, mais elle préférait ignorer son allure faciale plutôt que de se faire déchiqueter en plein milieu du couloir.

Reprenant ses esprits, elle se rappela l’architecture du bâtiment. Evidemment, la sortie la plus proche sur la droite du lézard-mutant, quelques dizaines de mètres derrière ce dernier. C’était sa seule option, si on prenait en compte le fait que d’autres monstres semblables pouvaient parcourir la ville derrière elle. Elle prit une inspiration silencieuse et, sur la pointe des pieds, racheta sa vie à la faucheuse.

 

Broken sunset :

 

Elle avait réussi. Les contours accueillants de l’abri se dessinaient une centaine de mètres plus loin, sur un coucher de soleil dans lequel le rouge sang se mêlait à un rose pâle. Tout ce qu’elle avait vécu les 2 dernières semaines tenait du cauchemar : Son seul espoir de vivre une vie normale était mort, elle-même avait failli y passer en rencontrant des monstruosités sanguinaires en ville, et la réalité d’une existence seule et dénuée de sens se rapprochait doucement. Nonchalamment, elle releva que l’homme qu’elle avait vu se faire manger des heures plus tôt était un soldat. N’étaient-ils pas censés être tous morts ? Elle n’avait pas croisé âme qui vive depuis 4 ans, et d’un coup d’un seul un soldat apparaissait, en tenue réglementaire et portant une arme neuve ? Tout ne faisait pas sens dans son esprit. Une sensation amère se fit ressentir dans sa bouche. Il lui semblait que toute cette histoire de bombe nucléaire, d’éradication de l’espèce humaine n’était qu’une vaste blague, que l’on régulait simplement la population en la réduisant à son minimum vital. Quelle ironie. Vivait-elle dans la mort et le désespoir tandis que d’autres vivaient, cachés de tous, dans l’attente de la résurrection de la race humaine ? Toutes les pensées tourbillonnaient dans sa tête, tous les mensonges qu’elle semblait apercevoir lui brisaient son humanité. Même ce coucher de soleil semblait avoir perdu de sa véracité.

Et finalement, dans son pas lent et douloureux, elle s’effondra à quelques mètres de l’abri, et la fin qu’elle avait évité courageusement à la ville vint la cueillir avec douceur.

Elle avait son visage.

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